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Un lézard chez la psy


Teaser de "Un lézard chez la psy"

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Le sexe n’a jamais préoccupé Augustin. Il n’avait aucun problème avec sa libido, pas plus qu’avec son cœur ! Tout ça… aux abonnés absents. Jusqu’au jour où une psychologue, qu’il est obligé de consulter, déclenche une tornade et modifie le comportement de ce jeune vieillard ou plutôt de ce vieil adolescent.

Voilà le point de départ de ce drame comique qui tourne à la bouffonnerie. Je m’amuse à conduire sur des terrains insolites mon personnage inhibé, culotté, désaxé, et tellement extravagant qu’il serait impossible d’imprimer sur l’affiche du spectacle, la mention : « d’après une histoire vraie ». Cette formule provoque mon rire goguenard car je suis fasciné par la fable délirante, et rarement séduit par l’imitation simiesque de la réalité.

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L’imagination au pouvoir !

Il en faut une certaine dose pour suivre Augustin à la rencontre de femmes qui ne peuvent guère lui tendre une main secourable tant elles sont elles-mêmes en train de se noyer.

À l’âge des bilans, de la nostalgie, des remords ou des regrets, je propose que ma comédie :

« Un lézard chez la psy », à défaut d’être un dernier coup d’éclat, provoque, je l’espère, quelques rires en éclats !

Thème ? L’amour.

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Variations ? Ce qu’on peut faire de cet état prodigieux quand on le mitraille avec des munitions tels que le délire, l’immaturité, la misogynie puérile et la fabuleuse naïveté.

Ce n’est pas par hasard que le personnage masculin, perturbé, tente de résoudre ses problèmes en s’adressant à des femmes aussi perdues que lui.

En musique, le grand interprète est celui dont la stupéfiante dextérité n’étouffe jamais ce que dit la partition. En toute modestie, j’ai tenté de faire mes variations Diabelli, nom d’un pianiste éditeur qui composa une valse très simple et organisa un concours consistant à proposer au jury quelques variations sur ce morceau. Beethoven en composa trente-deux !!! Une seule actrice doit incarner…les femmes ! J’aime ces gageures qui semblent intenables. Pour interpréter les interlocutrices de l’ingérable Augustin, s’impose une comédienne qui fait de la possession des mots, de sa dégustation et de sa restitution loufoque un formidable pari.

Sandrine Chauveau dont l’instinct, soutenu par une musicalité irréprochable, possède la voix qui est ici l’instrument servant à camper les huit protagonistes. Elle colore par son phrasé, sa tessiture, ses modulations, sans parler de sa présence, vertu cardinale qui ne s’acquiert dans aucun cours de théâtre son interprétation.

Sandrine Chauveau n’obéit qu’à un diktat : il faut qu’elle aime le texte qui lui est confié. La comédienne se donne alors sans réticences, avec une fougue étayée par une remarquable maîtrise. C’est un plaisir pour l’auteur, et, je le crois vraiment, pour elle. Son humilité est la gardienne vigilante de tout excès. Je lui ai demandé d’aller tout au bout de ce qu’elle peut donner par générosité. Elle n’a pas regimbé. Elle n’a sauté ni dans l’inconnu ni dans le confort d’un rôle taillé à la mesure d’un exceptionnel talent. On lira plus haut ce qu’elle dit de moi. Je devrais la censurer afin de ne pas transformer mon égo en Himalaya ! Mais comme elle ne veut pas censurer ce qu’elle ressent et que je ne veux pas censurer ce que je ressens, eh bien, il faut admettre que ce que nous exprimons est marqué du sceau de la sincérité.

victor haim argile theatreFils d'une famille originaire du bassin méditerranéen (Turquie, Egypte, Algérie, Espagne et Grèce), Victor Haïm a passé sa jeunesse à Nantes où il est resté jusqu'à ses vingt ans, après avoir brièvement et sans succès suivi l'enseignement du Conservatoire d'art dramatique de cette ville.

 Il est venu à Paris en 1954 pour suivre les cours de l'Ecole supérieure de journalisme mais, ne bénéficiant d'aucune aide de son entourage complètement ruiné par la guerre, il a abandonné ses études et, dans un état d'indigence, a été contraint d'exercer plusieurs petits métiers pour vivre. En 1958, il est mobilisé pour ce qu'on appelle la pacification en Algérie et effectuera 28 mois d'armée. Il s'essaye pendant cette pénible période à l'écriture scénique… Au retour de cette guerre, il collabore à des journaux tout en commençant à écrire pour le théâtre : des pièces engagées et naïves contre la violence guerrière, l'intolérance et le racisme...

En 1963, il rencontre le metteur en scène Pierre Valde qui dirige un cours privé. Cet assistant de Charles Dullin montera les deux premières pièces de Haïm.

En 1967, il présente une pièce contre la guerre du Vietnam et attire l'attention de la critique. Suivront régulièrement des œuvres plus ou moins bien accueillies mais qui permettent à l'auteur, qui s'affirme, d'abandonner définitivement le journalisme.

Haïm a écrit plus de soixante pièces. Il a été traduit en une quinzaine de langues et joué dans vingt-cinq pays. Son théâtre a été récompensé par huit prix dont le prix Plaisir du Théâtre, le prix de la SACD, le prix de l'Académie française, le prix de la Fondation de France et le Molière du meilleur auteur vivant.

Il a joué dans une demi-douzaine de ses pièces, a enseigné au Studio 34, au Cours Florent et à l'école régionale d'Acteurs de Cannes.

La comédienne Sandrine Chauveau parle de Victor Haïm

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Il y a des rencontres qui marquent une vie, ma rencontre avec Victor Haïm en est une ! La comédienne que je suis, passionnée et avide d'être nourrie par des textes forts, cherchant sans relâche à se mettre au service du génie de l'auteur a reçu un véritable « choc » en découvrant l'univers de Victor Haïm.

Après avoir joué le rôle d'Hortense dans « Jeux de scène » j'ai eu envie de lire toutes ses pièces (le nombre est impressionnant car l'auteur est prolifique !). Je me suis sentie appelée à plonger dans cette œuvre d'une beauté et d'une force remarquables.

J'ai été totalement séduite par cette écriture qui aime égarer le lecteur, le ton est en effet souvent léger, l'humour très présent, on navigue dans un monde tantôt burlesque, tantôt onirique qui nous entraîne, si on se laisse embarquer, dans une histoire très particulière, celle d'un homme d'une sensibilité à fleur de peau, d'un enfant projeté au cœur des événements les plus tragiques du 20ème siècle… Il a seulement 4 ans en 1939 quand la guerre éclate. Il semble bien que cet enfant violemment marqué par l'horreur de la guerre a pu résister grâce à son talent pour « mettre en mots »… l’homme parle, parle, écrit et parle avec une sorte d'urgence. Ses histoires traduisent cette urgence à dire, cette urgence à crier, cette urgence à vivre !

Les mots déferlent, se heurtent, s'entrechoquent, choquent et s'essoufflent quand ils ne sont pas reçus:

« Au nom de la bienséance, du tact, de la délicatesse, du bon goût, de la noblesse de l'esprit, de la générosité, de l'élévation de la pensée et de la beauté de l'âme ; étouffez-vous ! » dit Alexandre dans « Le Grand Invité » alors qu'il est en train de perdre l'usage de la parole.

Dans « Les fantasmes du boucher » on assiste au monologue enfiévré de l'acteur qui prend à témoin le public et s'oppose au directeur du théâtre :

« Où va le monde ? Quelqu'un pourrait-il répondre à cette question ? Allons... j'ai posé une question bandes de dégonflés... Où va le monde ? Hein ? Moi, je vais vous répondre, car je connais la réponse...Le monde ne va pas au théâtre. »

Le drame est là dans cette indifférence du monde mais l'artiste ne peut se résoudre au silence « On me censure ! On me censure ! On ne m'empêchera pas de parler ! Je parlerai par les villages ! Sur les places publiques ! Dans les églises ! Sur les chemins, sur les montagnes. »

Oui la parole de l'auteur poursuit sa route au-delà de l'histoire particulière car c'est la parole des opprimés, des humiliés, des abusés, des oubliés, des rêveurs, des amoureux, des blessés... ainsi l'œuvre de Victor Haïm est engagée tant elle milite contre toutes les injustices et dénonce la bêtise humaine. Mais c'est avant tout un théâtre inspiré où lyrisme et trivialité se côtoient, poésie et bestialité, douceur et violence, amour et cruauté.

Mais tout son art réside dans l'articulation de ces contraires avec une fluidité qui étonne. Le vocabulaire est à la fois extrêmement précis et recherché tout en étant cru sans jamais sombrer dans la vulgarité. Ce mélange des genres si propre  à notre auteur rend l’écriture terriblement charnelle. Elle a un corps, un corps affamé, suant, saignant, râlant, chantant, un corps qui exulte, qui vibre, un corps souvent mutilé, violé, essoufflé, étouffé….un corps crucifié!

L’œuvre pourrait être seulement sombre et grave si elle n’était pas portée par la musique, une musique composée par Victor Haïm le mélomane, musicien des mots, il pense en rythme, écrit en arpèges ses pièces comme autant de partitions.

La musique sauve, la musique élève, conduit, ouvre un autre espace, celui de l’espérance, de l’Amour tant cherché.